Validité des actes signés pour le compte de la société en formation

7 mars 2022

Votre société n’est pas encore immatriculée mais il vous est déjà nécessaire de l’engager au titre de différents actes. C’est possible, mais la validité de ces actes accomplis pour le compte de la société en formation va dépendre de la façon dont les fondateurs se sont engagés au nom et pour le compte de la société.

 

1 – Société en cours de formation : enjeu de la reprise des engagements pris avant l’immatriculation

 

Il est fréquent que, durant la phase de constitution d’une société, et donc avant même d’avoir pu l’immatriculer au registre du commerce et des sociétés, ses fondateurs aient besoin de conclure un acte engageant la société.

Par exemple, un compromis portant sur l’acquisition d’un fonds de commerce, la conclusion d’un bail, un contrat avec un fournisseur ou un premier client, un contrat de financement bancaire, un recrutement, l’acquisition de matériels, etc….

Or, conformément aux dispositions de l’article L210-6 du code de commerce, les sociétés commerciales ne jouissent de la personnalité morale qu’à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Par conséquent, avant cette date, elles ne peuvent valablement conclure des actes juridiques et n’ont aucune aptitude à être titulaire de droits et débiteur d’obligations.

Durant cette période antérieure à l’immatriculation de la société, il arrive souvent que les fondateurs soient amenés à s’engager au nom et pour le compte de la société en formation.

Ils seront alors personnellement engagés et assumeront seuls et intégralement la responsabilité et les engagements souscrits jusqu’à la reprise de ces engagements par la société lors de son immatriculation. Cette procédure de reprise des engagements de la société en formation est décrite par les dispositions des articles L210-6 et R 210-5 et suivants du code de commerce s’agissant des sociétés commerciales, et 1843 du code civil s’agissant des sociétés civiles.

Or, il a pu arriver que, même après l’immatriculation de la société et la reprise, formelle et sans équivoque, des engagements souscrits en son nom par ses fondateurs, la validité de l’engagement de la société pris antérieurement à son immatriculation ait été contesté, entrainant la nullité pur et simple de cet engagement.

Ainsi, la banale signature d’un bail commercial ou d’une acquisition de fonds de commerce, en amont de l’immatriculation de la société, présente des risques insoupçonnés pour les signataires mal conseillés.

2 – Nullité d’un bail commercial signé par une société en cours d’immatriculation

 

Le Cabinet DAHAN Avocats a en effet récemment été confronté au cas d’un contrat de bail commercial, rédigé par acte notarié, entre une société en formation et le propriétaire de locaux commerciaux, au titre duquel une demande de nullité a été présentée en justice.

Ce débat judiciaire a pu avoir lieu en raison de la rédaction approximative des clauses présentant l’intervention de la société en formation à l’acte.

En l’occurrence, le notaire avait rédigé le contrat de bail en sorte que la société en formation intervenait en qualité de preneur au bail, donc partie à l’acte, tout en précisant bien que, s’agissant d’une société en formation, les signataires fondateurs agissaient au nom et pour le compte de la société en formation dans le cadre des dispositions des articles du code de commerce susvisés.

Or, selon le bailleur qui souhaitait revenir sur son engagement, le notaire aurait dû faire intervenir plus précisément les fondateurs (et non pas la société) en qualité de preneurs et leur faire signer le bail en rappelant expressément cette qualité.

La Cour d’Appel, saisie de cette affaire, a donné raison au bailleur et a considéré que la société en formation était directement partie à l’acte, alors que seuls ses fondateurs auraient dû l’être.

Or, la société n’étant pas encore immatriculée au registre du commerce et des sociétés, elle ne disposait pas encore de la personnalité morale et ne pouvait valablement conclure un acte juridique. Le bail a alors été frappé de nullité absolue et la reprise des engagements par la société lors de son immatriculation a été inopérante.

Une telle situation a été désastreuse pour la société preneuse entrainant son expulsion des locaux pris à bail au titre d’un acte nul.

La Cour d’Appel s’est donc formellement attachée à une exigence de précision quant à la qualité et à la personnalité juridique de la partie signataire, faisant fi des nombreuses autres considérations de ce locataire : la volonté des parties à la date de leur engagement, de la reprise de l’acte par la société au moment de son immatriculation, de la perception des loyers par le bailleur depuis la signature du bail, ainsi que des conséquences financières et économiques de la nullité du bail commercial.

Ainsi, la Cour d’Appel a considéré que les engagements sont nuls ou valables, selon qu’il est mentionné à l’acte que la « Société …. en cours d’identification au répertoire Siren, est représentée par ses fondateurs agissant en son nom et pour son compte » (nullité absolue) ou qu’il est mentionné que «M et M …. Intervenant au nom, pour le compte et en qualité de fondateurs de la société en formation … » (validité).

Cette question de droit, lourde de conséquence en pratique, devra probablement faire l’objet d’un pourvoi en cassation par le locataire expulsé.

Néanmoins, dans l’attente de la décision de la Haute Juridiction, nous recommandons aux praticiens la plus grande vigilance et attention sur la rédaction des clauses désignant les parties et leur représentation lors de la conclusion d’un acte au nom et pour le compte d’une société en formation.

En effet, la nullité encourue par un acte conclu par une société dépourvue de personnalité juridique peut avoir des conséquences extrêmement préjudiciables puisque, dans un tel cas, les parties contractantes sont placées dans la situation telle qu’elle existait avant la conclusion de l’acte litigieux.

Elles doivent alors procéder à une restitution réciproque de tous les éléments échangés en exécution du contrat litigieux et elles sont également contraintes de remettre en cause toutes obligations souscrites en considération du contrat frappé de nullité.

La sanction encourue étant la nullité absolue de l’acte, cette nullité peut être demandée par toute personne et elle n’est pas susceptible d’être couverte par une quelconque régularisation.

Le cabinet DAHAN Avocats, dans le cadre de son accompagnement des dirigeants, a vocation à auditer et/ou à rédiger tous actes conclus par la société en formation afin de leur assurer une pleine validité et efficacité juridique.

Le cabinet DAHAN Avocats assure également la constitution de sociétés et s’assure alors de la reprise régulière des actes conclus durant la période de formation, selon les procédures légales applicables.